DE LA RECONNAISSANCE (Colloque P.E.O.P.L.E.* Acte II)

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*Programme d’Etudes sur les Organisations Post-managériales et la Libération des Entreprises, ESC Clermont

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Les 7 et 8 juillet derniers s’est tenu le premier colloque P.E.O.P.L.E, Programme d’Etudes sur les Organisations Post-managériales et la Libération des Entreprise, à l’ESC Clermont. 

J'y ai été invitée par Thibaud Brière, "délégué à la philosophie de l'organisation" au sein du Groupe Hervé, master ès organisation participative.

Ce colloque a été un moment très intense et riche et a suscité chez moi beaucoup de réflexions, dont je vous fais part au compte-gouttes. Voici une deuxième pensée issue de ce colloque.

 

 

Dans mon dernier article à propos de ce colloque, je parlais du principe de responsabilisation. Je racontais comment une metteur-en-scène très renommée était capable de « fermer l’usine » pendant une demi-journée (arrêter la répétition) parce que l’un des acteurs n’était pas assez engagé dans son travail. Le temps qu’il se ressaisisse et puisse reprendre son rôle correctement. 

Continuer à travailler avec des collaborateurs qui ne sont pas « présents », c’est comme continuer à pédaler avec une roue voilée. On va lentement, on avance de travers, on abîme les autres mécanismes sur lesquels on force (le guidon, les jambes), on leur impose de rééquilibrer la machine pour pallier aux tremblements (les bras, les cuisses), et au final on démotive tout le monde. Un peu, ou beaucoup.

Exiger de chaque collaborateur qu’il donne le meilleur de lui-même, c’est (avant d’être une stratégie pour atteindre des objectifs financiers) respecter les autres collaborateurs.

Et vous savez quoi ? C’est également respecter le collaborateur en question.
Pour tout dire, au-delà (ou avant même) de le respecter, c’est le reconnaître. Reconnaître ses talents, son potentiel. Reconnaître que s’il n’est pas présent, la machine globale fonctionne mal. Reconnaître ses talents spécifiques. Reconnaître ce qu’il est, lui, indépendamment des autres, de son travail, de sa mission.

 

Et si la question de la reconnaissance n’était finalement que ça ?

On se demande beaucoup, dans le milieu de l’entreprise, comment on peut résoudre cette question de reconnaissance. Beaucoup d’employés se plaignent du manque de reconnaissance de la part de leurs supérieurs, et on ne sait plus quoi inventer pour répondre à ce besoin.
On trouve cela facile pour un comédien, il est applaudi chaque soir et tout le monde le trouve très beau et très talentueux.
Quid d’une secrétaire ? D’un agent du service client ? D’un chef de projet ?

Eh bien en fait, c’est tout simple : demandez-leur d’être eux-mêmes, comprenez que c’est pour cela que vous les avez engagés et vous reconnaîtrez leur valeur.

Un comédien n’est pas heureux simplement parce qu’il est reconnu par son public, il est d’abord heureux parce qu’il est reconnu pour ce qu’il est. Il s’agit donc d’une reconnaissance de la part des pairs. Et cela commence dès l’audition (l’entretien d’embauche), quand le metteur en scène le regarde jouer et cherche à saisir, avec un intérêt qui ressortit d’une question de survie, qui il est. QUI IL EST. Non pas ce qu’il sait faire, mais QUI IL EST.

Comme disait Théo Holz, il faut bel et bien « une modification du contrat psychologique ». Il faut apprendre à venir travailler avec ce qu’on est, sans masque.
Il faut qu’on nous le demande, il faut que nous acceptions de le faire, et il faut que nous acceptions que nos collègues le fassent également. Cela s’appelle la bienveillance, parfois même l’amour.

Or, il est terriblement difficile de se montrer tel qu’on est lorsqu’on s’est construit sur l’image d’un masque. Combien de personnes changent de vêtements en rentrant chez elles après le travail ? Elles cherchent à reconnecter avec elles-mêmes pour pouvoir se reposer. Non pas se reposer d’une journée de travail, mais se reposer d’une journée de n’avoir pas pu être soi.
Quel gaspillage d’énergie… Et l’on voudrait que les gens travaillent à 100% de leur potentiel professionnel ?

« Venez donc comme vous êtes, c’est entre amis. »

 

Mais vous, les artistes, vous vivez dans le rêve

Absolument. Dans le rêve qui mène vers l’utopie. Et comme nous le rappelait Davide Lago, l’utopie est ce qui met en mouvement.

Un mirage n’est pas réel mais c’est lui qui met la caravane en mouvement. Et les membres de la caravane trouveront quelque chose au bout du chemin. Quelque chose d’autre. C’est le miracle de l’aventure collective. Et si ce collectif est capable de lâcher ses images préconçues (le mirage) pour accueillir ce qui vient et participer à sa création en s’adaptant à l’inconnu émergeant, alors personne ne sera déçu de l’inexistence du mirage, croyez-moi. Personne ne sera déçu de l’œuvre finale.

Les artistes excellent dans l’art de modifier leur projet, de se laisser modeler par ce qui émerge. Ils adorent ça. Car quand on se laisse porter par la force du collectif, on découvre des choses tellement inattendues qu’il faudrait être fou pour regretter d’avoir personnellement lâché la barre quelques instants.

Et c’est bien ce que s’efforcent de faire les leaders libérateurs : lâcher prise. Donner à la force collective le pouvoir de guider le navire. C’est forcément terrorisant quand on n’en a pas l’habitude, mais en côtoyant ceux qui le pratiquent comme un sport national régénérant, je suis convaincue qu’on peut apprivoiser cet état d’être.

Enfin, en tous cas, c’est ce que dit Anatole. Et si Anatole le dit, moi je signe.